SALAM AUX CROYANTS
Brigitte Bardot, nouveau ministre de l’Intérieur ?
jeudi 27 novembre 2008 - par Vincent Geisser
La Fondation Brigitte Bardot a réussi à faire interdire une session de formation sur l’abattage rituel en jouant sur des fantasmes islamophobes. Le ministère de l’Intérieur lui a emboîté le pas. Notre ministre serait-elle plus soucieuse du bien-être des moutons du Larzac que de celui de ses concitoyens musulmans ?
Le hallal républicain : « dans laïcité, il y a licite ! »
Créée en mai 2006 par des citoyens français, l’Association de sensibilisation, d’information et de défense de consommateurs musulmans (ASIDCOM) a acquis aujourd’hui une véritable crédibilité auprès des croyants et des autorités publiques qui font régulièrement appel à ses conseils et à son expertise avisée. Sa devise principale « Dans laïcité, il y a licite ! » résume bien à elle seule la philosophie de l’association : assurer la promotion et la protection des intérêts des consommateurs musulmans en conformité avec les principes et les valeurs de la laïcité.
Refusant de s’ériger en lobby consumériste musulman, l’association tente de moraliser notamment le « business du hallal », en développant des actions autant à l’égard des croyants et des nouveaux entrepreneurs musulmans que des institutions officielles qui éprouvent parfois des difficultés à comprendre et à concilier les enjeux économiques et les aspects spirituels.
Le développement rapide et anarchique, ces dix dernières années, de la « filière hallal » s’est accompagné de nombreux abus, fraudes et réflexes mercantiles qui nuisent autant aux consommateurs musulmans qu’à l’intérêt général Sur ce plan, l’association refuse de s’inscrire dans une démarche communautariste qui consisterait à introduire des normes particularistes dans le droit français mais réclame, au contraire, « l’application du droit positif et des recommandations internationales ». En somme, pour les responsables de l’association, la moralisation du « marché hallal » passe nécessairement par un respect scrupuleux de la loi française et européenne : il va dans l’intérêt des consommateurs musulmans que l’ensemble des opérateurs hallal respectent scrupuleusement les normes sanitaires et d’hygiène imposées par la législation. En deux mots : il ne saurait y avoir « d’exception hallal » en France ».
Initier les croyants aux bonnes pratiques
C’est précisément dans cet état d’esprit très légaliste que l’ASIDCOM a décidé d’organiser en partenariat avec l’institut Vioscope (cabinet vétérinaire spécialisé dans la sécurité alimentaire), le 9 novembre 2008 à Grenoble, une journée d’information et de formation sur les « bonnes pratiques » de l’Aïd al Adha, destinée prioritairement aux pères de famille. Cette action de sensibilisation est tout à fait comparable à celle menée par les associations de prévention routière qui cherchent à diffuser les « bons comportements de la route » auprès des automobilistes français.
En s’adressant directement aux pères de famille, l’objectif de l’ASIDCOM est de dissuader certains usages à la fois illégaux et illicites observables dans certains milieux. Totalement gratuite, la formation devait se dérouler en toute transparence dans une salle municipale mise à disposition par la mairie de Grenoble. L’association ne prétend pas habiliter des sacrificateurs – ce qui n’est pas de son ressort – mais inciter les pères de famille à se conformer aux normes sanitaires et d’hygiène en vigueur.
L’un des modules de la formation insiste notamment sur les risques de santé publique et l’impératif de « bientraitance » de l’animal au moment de l’abattage rituel de l’Aïd al Adha. Pionnière et inédite en France, l’expérience de Grenoble devait se généraliser à plusieurs villes de l’Hexagone où résident d’importantes communautés musulmanes. Mais c’était sans compter sur la campagne haineuse déclenchée entre autres par la Fondation Brigitte Bardot.
Défendons les moutons, sacrifions les musulmans : une morale très immorale
Depuis plusieurs années, la Fondation Brigitte Bardot a fait de la dénonciation de l’abattage rituel musulman l’une de ses spécialités préférées. S’il n’y a rien de choquant moralement qu’une association prenne la défense du « bien être animal », les arguments avancées par la Fondation flirtent parfois avec l’islamophobie ambiante : le sacrifice rituel est régulièrement présenté comme une pratique archaïque et barbare.
C’est d’ailleurs ces mêmes arguments qu’a repris le directeur de la Fondation Brigitte Bardot, Christophe Marie, pour disqualifier et dénigrer publiquement la journée de formation organisée par l’ASIDCOM : « ce programme, dont l’objectif avoué est de former ‘les pères de familles’ au sacrifice rituel musulman, est une nouvelle étape dans la provocation et le refus de respecter les lois républicaines d’un pays laïque », affirme t-il dans une lettre adressée au maire de Grenoble et au président de la République. Décryptage : les musulmans sont non seulement archaïques et barbares mais aussi antirépublicains et antilaïques, CQFD !
On relève ici que les motifs avancés par les « défenseurs des animaux » versent facilement dans les jugements de valeur sur la prétendue non-conformité des musulmans de l’Hexagone à la culture laïque française. On aurait pu penser que cette argumentation très idéologique, proche de certains thèmes défendus par l’extrême droite, serait restée isolée.
Or, elle fut très largement reprise par le ministère de l’Intérieur pour justifier l’interdiction de la réunion. Ainsi, le porte parole de la ministre de l’Intérieur, Gérard Gachet (ancien journaliste au Figaro et ancien membre du mouvement d’extrême droite radical, le Parti des forces nouvelles), est personnellement intervenu auprès du préfet de l’Isère non pour faire respecter le droit de réunion mais, au contraire, pour l’interdire : « Le ministère est ferme sur le respect de la loi en la matière », affirme t-il à l’AFP.
Pire encore, la campagne de la Fondation Brigitte Bardot contre l’initiative de l’ASIDCOM* a suscité une véritable hystérie islamophobe sur certains sites Internet de défenseurs des animaux. A une croyante musulmane qui défendait le principe de l’abattage rituel, en confirmant qu’il était souvent plus respectueux du bien-être animal que l’abattage avec étourdissement, une Internaute lui répondait ainsi : « Ces gens [sous-tendu les musulmans] ne m’inspirent que dégoût ! Tiens cette femme [musulmane] mériterait d’être égorgée, pour voir comme ça fait !!! » (forum du site www.protection-des-animaux.org).
Morale de cette histoire pas très morale : en France, il vaut mieux être un mouton qu’un citoyen musulman pour que le ministère de l’Intérieur intervienne en votre faveur. Drôle de conception de la citoyenneté républicaine, non ? « Défendons les moutons, sacrifions les musulmans ! », voilà une idée pour le prochain slogan de ces associations animales qui semblent davantage attachées au sort de nos moutons qu’à celui de nos concitoyens.
Source : oumma.com